par François (FACABEA) - 15.06.2004
Nous sommes déjà début juin. "Association"
oblige ... j'ai rarement autant parlé de First 30 que depuis ces derniers
mois, mais sur 2004 je n'ai pas encore navigué. D'habitude, à
cette période de l'année, FACABEA a déjà plusieurs
centaines de milles derrière lui. Alors c'est décidé. Malgré
la mini terreur que m'inspire le passage seul de l'écluse d'Arzal ...
j'y suis allé !
Au programme : 5 jours de navigation en solo sans destination très précise malgré quelques rendez-vous "éventuels". Le mercredi avec Daniel (SOLEN) à Port Haliguen ; le jeudi avec Gérard, l'ancien propriétaire de FIRST OF THIRST II, devenu depuis FACABEA, qui doit signer l'achat de son nouveau bateau au Crouesty ; et enfin le samedi, d'abord avec Philippe (FORCEPAS 2) qui doit survoler la presqu'île de Quiberon en avion et avec qui nous avons projeté qu'il photographie mon First "vu du ciel", ensuite avec François, un de mes amis qui fera le convoyage de Brest à la Trinité avec son joli Golden Shamrock "CHANI" pour venir prendre le départ de la Solitaire des Vieux Safrans qui doit démarrer la semaine suivante.
Je suis arrivé au bateau le mardi en fin d'après
midi et - premier plaisir solitaire - j'ai sué sang et eau pour charger
le bateau. L'électronique, l'avitaillement, les cartes et documents de
navigation, le radeau de survie, les planchers revernis,... sans compter les
voiles qu'il a fallut amener à bord et gréer afin d'etre fin pret
pour le départ aux aurores prévu pour le lendemain matin. Vers
10h00 du soir, les aussières sont à poste, le niveau de gasoil
est vérifié, j'ai fais trois fois le tour du bateau pour etre
sur de n'avoir rien oublié et je m'endors en essayant de trouver une
solution à toutes les situations compliquées auxquelles je pense
pouvoir etre confronté dès le lendemain matin.
La première des écluses de la journée
ouvre ses portes à 08h00 du matin. Contre toute attente, elle se passe
très calmement car c'est un jour de semaine et nous ne sommes que deux
bateaux à sortir. J'ai donc tout le loisir de ne m'occuper "que
de moi". J'ai protégé le frégatage de FACABEA avec
deux fois plus de pare battages que d'habitude et moins d'une demi-heure après
y etre rentré, je sors fièrement et indemne de l'eau douce vers
l'eau salée. Seul point noir : Mon moteur fait un vacarme du diable et
je me dis que l'anode doit certainement tourner sur l'arbre d'hélice
pour faire un bruit pareil. C'est d'autant plus ennuyeux qu'il n'y a pas un
souffle d'air et que les 3 milles de descente de la Vilaine vont etre longs
et ... bruyants !
Vers 10h00, le vent rentre tout doucement du Sud-Ouest. J'arrete le moteur
et je profite enfin du calme de la navigation à la voile. Ce n'est pas
violent et malheureusement le cap s'en ressent. Comme à mon habitude
dans le petit temps, j'ai rangé mon "fameux bas-étai"
le long du mât pour faciliter les virements de bord du grand génois
et, pour que le pilote soit efficace, je suis obligé de ne pas etre trop
exigeant pour que le bateau reste un peu appuyé. Le vent tourne et retourne
; je tire des bords carrés, tantôt au 300/310, tantôt au
170/180 et je me prends à penser aux célèbres alidades
resserées du First 30 ... ce jour là ce n'était pas tout
à fait ça !
A ce train là, je ne nous vois pas rendus à Port Haliguen !...
Nous avançons péniblement à 2 ou 3 noeuds mais au moins
on avance, il fait beau, la mer est belle,... que demander de plus ?!
Ce n'est qu'en milieu d'après-midi que je décide définitivement d'aller coucher à Port Haliguen. Le régime de thermique de la baie de Quiberon s'est installé et je fais maintenant "à peu près" la route à environ 4,5 noeuds sur le fond malgré un "petit rhume" du pilote qui a subitement décidé de ne pas tenir compte de ce que je lui demande. Le pied sur la barre, je démonte les connexions un peu oxydées que je gave de WD40 ... mais rien n'y fait. La fièvre de "FanchMich" (c'est son p'tit nom) continue et c'est bien malheureux de devoir me passer de cette "troisième main" que je vais le coucher dans la couchette cercueil sans savoir si un peu de repos lui fera du bien ou si le terme de cercueil trouvera à s'appliquer !... Ceci dit, dans un vent d'ouest à présent bien établi à une dizaine de noeuds, FACABEA a décidé de me sortir de mes idées noires en me faisant un autre petit plaisir. Ses voiles bien réglées, il barre tout seul à une trentaine de degrés du lit du vent, sur la route quasi-directe, en prenant l'initiative d'attraper toutes les adonnantes et toutes les refusantes ... et moi je n'ai plus qu'à le regarder faire !... Cela a duré 1h30 sans un seul accroc et nous sommes arrivés pile sur la bouée Sud Haliguen ou j'ai affalé et préparé le bateau pour l'amarrage au ponton sur lequel Daniel nous attendait. Quel timing !
Jeudi
Après un petit tour sur SOLEN
et une bonne soirée pizza entre Firstrentistes pendant laquelle les réserves
liquides de FACABEA ont été bien entamées, je me réveille
au petit jour sous une pluie battante sans un souffle d'air ... Naviguer sans
vent ce n'est déjà pas drôle, mais alors sous la flotte
!?... Alors direction le café du port ou cafés/tartines sont les
bienvenus !
Ce n'est que vers midi que les nuages laissent place au soleil et que le bateau
commence à sécher. Vers 14h00 je largue les amarres pour prendre
la direction du Crouesty distant d'une dizaine de milles ou j'espère
bien pouvoir croiser Gérard pour lui donner des nouvelles de son ancien
bateau et l'entendre parler de son prochain.
Malgré la pétole molle qui se maintien sur le
plan d'eau, je coupe le moteur et je remonte doucement en ciseaux vers le Crouesty
en faisant du gymkhana entre plusieurs chalutiers qui semblent tous s'etre donnés
le mot pour contrarier ma route et m'obliger à rester vigilant.
Ce n'est qu'à environ 3 milles du Crouesty que le meme thermique de la
veille se lève enfin, me permettant d'appuyer FACABEA pour remonter plus
franchement vers l'entrée du chenal du Crouesty.
Une petite anecdote : à quelques encablures de mon waypoint d'arrivée alors que je marchais au bon plein à 4 ou 5 noeuds bien callé sur le bouchain tribord, un gros zodiac équipé d'une caméra et de son caméraman au dessus de son étrave m'a suivi pendant 3 minutes à 15 mètres dans mon sillage. De ce qu'ils m'ont dit par la suite, ils faisaient des tests de stabilité de prise de vue ... n'empeche que j'aurai bien aimé récupérer les images car elles devaient etre jolies !...
A peine arrivé au ponton, Gérard et son épouse me rejoignent après qu'ils aient repéré de loin les cagnards rouges de FACABEA. Ils sont joyeux d'avoir acheté leur nouveau bateau - un Elan 31 - et, malgré cela, espèrent bien pouvoir adhérer à l'association-first30.org comme "ex" propriétaires d'un First 30 qu'ils ont bichonnés pendant 13 ans !
Vendredi
Aujourd'hui j'ai envie de faire des milles. J'ai été un peu frustré par la pétole de la veille pendant laquelle le loch n'a enregistré que 9 petits milles en ... 4h00 ! J'ai donc planifié une route vers le nord pour aller chercher du vent en dehors de la baie de Quiberon. La destination ?... Groix, Lorient,...? Port-la-Foret si le temps s'y prete et que je suis courageux ...? On verra bien !Au pire, si le vent tombe, j'ai des plans de repli sur Port Haliguen ou Belle-Île.
Je quitte le ponton vers 08h00 après avoir pris la météo et, contrairement aux jours précédents, le vent est là. Du nord à 12/13 noeuds qui m'emmène en moins de 2h00 vers le passage de la Teignouse qui marque la sortie au Sud-Ouest de la baie. La bonne nouvelle du jour c'est que le traitement de "FanchMich" s'est révélé positif. Il pilote parfaitement et nous tutoyons les 6 noeuds en dépassant un Ecume de Mer qui était sorti largement devant nous et que nous laissons littéralement sur place.
A 10h00 nous passons la bouée Basse-Nouvelle et, obligé d'abattre pour contourner les cailloux de la pointe de Quiberon, nous mettons près de deux heures avant de pouvoir renvoyer vers Groix. J'en profite pour regarder passer la "Course des Îles", une régate de solitaires qui descend de Groix vers le Golfe du Morbihan, et pour donner des nouvelles par téléphone à ma famille, à Alain (FANAN), à Jean-François (KENTAN),... Tout va bien, il fait beau,... "je me régale" à mon tour ... mais ça ne durera pas !
Cela fait deux bonnes heures que je remonte au près au 320/330 et j'ai bien noté que le vent est monté graduellement en meme temps qu'un gros train de houle d'Ouest se prononce de plus en plus. Vers 18 noeuds je roule un bon mètre de guindant de génois pour soulager FanchMich qui semble peiner un peu. L'effet est immédiat et FACABEA caracole maintenant plus à l'aise contre la houle à près de 6 noeuds sur le fond. Mais le vent monte toujours. Il doit se situer maintenant entre 20 et 25 noeuds et, en roulant encore un mètre de génois, je me dis que la prochaine étape sera de prendre un ris ou deux à la grand-voile. En attendant, je sors mon harnais "au cas ou" ... ce qui me fait un drôle d'effet car je crois que je ne me suis jamais attaché en bateau. Mais bon ... un accident serait trop bete. La houle devient agressive, cassante. Cela fait un bon moment que les moutons se sont transformés en petites déferlantes et que mon "envie de milles" s'est transformée en "envie de calme" !
Il me passe par la tete de faire demi tour pour retourner au portant vers la calme de la baie, mais nous sommes à mi-chemin entre Lorient et Quiberon et je me dis que le grand largue avec une houle de travers arrière ne serait sans doute pas plus confortable que le près pour moi et pour le bateau ; et en plus je serai obligé de barrer. Avec un vent qui refuse un peu, je persiste donc vers une bouée que je crois bien, de loin, etre la verte de la passe Sud du port de Lorient ... Erreur !... c'était bien une verte, mais celle de la passe Ouest, située plus au nord et surtout quelques degrés plus à l'ouest que celle sur laquelle je voulais tomber !... Je m'évertue donc pendant une bonne heure et demie à remonter beaucoup plus haut que je n'aurai du ... contre une grosse houle qui s'est fait plus courte et hachée ... avec une perte de vitesse d'au moins un noeud ... Pff !!!
A un moment, une déferlante éclate à hauteur des haubans babord, recouvre le bateau et rempli le cockpit !... La grand-voile est trempée sur 2 mètres de haut et "heureusement" que j'avais fermé la descente depuis longtemps !... Par contre, pas de chance pour les cartes que j'avais rangé à portée de main sous les lattes de teck sous le vent et qui, gîte oblige, baignent maintenant dans 3 centimètres d'eau claire !
A vue de nez je suis encore à 3 ou 4 milles de "ma" bouée verte lorsqu'un A40 que je n'avais pas vu venir passe comme un avion sous mon vent. Tout son équipage est à la contre gîte et, malgré cela, je vois bien 50 centimètres de sa quille sortie de l'eau. Très impressionnant !... Impressionnant aussi le cap qu'ils font !?... Au moins 30 degrés de moins que nous. En moi meme je me dis qu'ils vont tout droit sur les cailloux que j'ai vu sur la carte et qui gardent le sud de la passe d'entrée du port ... ils vont surement virer de bord pour croiser ma route ... il va falloir y faire attention ... et puis au bout de quelques minutes ça fait tilt !
C'est moi qui me trompe !Je vérifie sous le génois ... et oui ! La bonne verte est bien là. Sous mon vent. A moins de 2 milles.
J'abats aussitôt et je me retrouve au bon plein obligé de choquer ma grand voile en grand pour ne pas partir au lof. Mon speedo dépasse les 7,5 noeuds. C'est chaud mais pendant une seconde, je suis presque tenté de dérouler un peu de génois pour tenter d'aller tâter de l'A40 ... mais une claque de vent me ravise bien vite ... ce ne serait pas raisonnable et sans doute peine perdue. J'ai déjà assez de mal à contrôler les bonds du bateau au milieu du chenal pour aller faire de kakou contre un monstre !
Au contraire, non loin de la citadelle je choque le génois en grand et le roule non sans mal dans la foulée. Il claque dans tous les sens, les écoutes s'emmelent entre elles,... c'est pas beau mais au moins "ça c'est fait" ... et je me dis que je vais pouvoir rentrer un peu plus facile.
Que nenni !
Le vent est toujours là et bien là. La preuve
c'est qu'au passage au pied de la citadelle je vois 8,2 noeuds au speedo ...
sous grand-voile seule !... "Pas glop" !... Je ne suis venu qu'une
seule fois à Lorient. Je sais que c'est assez large mais je ne me souviens
pas trop ou est le port de Kernevel. Je choque en grand pour stabiliser ma route
un moment et je passe le bras dans la descente pour mettre le moteur en route
... et rien !
Toute l'électronique s'est éteinte d'un seul coup ... signe annonciateur
de batteries à plat !
Je réessaye une fois ... toujours rien. OK,... ça se complique
!
Je vous passe les détails qui sont moins intéressants, mais au bout du compte je tiens tout de meme à mentionner ici que j'ai eu la chance de tomber sur deux âmes véritablement charitables qui m'ont rabiboché avec certains comportements qui n'ont rien de "marin" et que l'on rencontre malheureusement de plus en plus. La première : Un homme bien sympa à qui j'ai fais perdre une bonne heure de son temps et qui nous a remorqué non sans difficultés avec son zodiac jusque contre le bout du quai des visiteurs de Kernevel. La seconde : celui que j'ai baptisé "Monsieur Uship" qui fermait sa boutique lorsque je suis allé lui raconter mes déboires et qui n'a non seulement pas cherché à profiter de ma vulnérabilité pour me vendre quoi que ce soit mais, au contraire, est retourné chez lui pour me preter son propre chargeur de batteries de voitures afin que je puisse recharger toute la nuit et repartir comme prévu le lendemain matin. Chapeau !
Pour reprendre sur le titre de l'article, je ne parlerai peut etre pas de "plaisir solitaire" pour cette journée là ... juste d'un souvenir qui ne sera finalement pas si mauvais que ça. Par contre, le petit plaisir je me le suis octroyé le soir meme en allant avaler une plâtrée de moules-frites accompagnées d'une bonne Krieg Lambic au "Tour du Monde" ... bien méritées !
Samedi
Victoire !... Les batteries sont rechargées et le moteur
repart du premier coup. J'ai attendu l'ouverture du magasin pour rendre son
chargeur à "Monsieur Uship" et le remercier autant que je le
pouvais ... et puis "Route !". Direction La Trinité sur Mer
en route directe. Tant pis pour mon projet d'aller à la rencontre de
François vers les Glénan ... il est 10h00 et je n'ai pas envie
d'arriver de nuit ... "au cas ou" !... Il me rattrapera !
Au passage de la citadelle le vent s'est calmé mais je redoute que la
houle soit encore là une fois passé l'écran de Groix. Encore
un peu ébouriffé par les émotions de la veille, je garde
le moteur en route pendant une bonne heure et je suis bien décidé
à éviter de tirer sur les batteries avec l'électronique.
Qu'à cela ne tienne, puisque je reçois un coup de fil de Philippe
(FORCE PAS 2) qui m'annonce qu'il a remis son vol vers Belle Île ... dommage,
mais finalement c'est plutôt heureux car je suis encore loin de notre
rendez-vous !
Le passage de Groix est joli ... mais interminable. J'ai l'impression
de pouvoir compter les maisons. Quand il est là, le vent d'Ouest est
vraiment faiblard et, heureusement et contrairement à ce que je pensais,
la houle a pratiquement totalement disparu. Toute la descente vers Belle-Île
se passe donc très (trop) calmement, au travers/portant. Je barre la
plupart du temps et c'est tellement longuet que je m'endors meme un peu sous
le cagnard. Pas de chance, François rencontre les memes conditions à
35 milles à l'Ouest ... il ne me rattrapera pas et nous ne nous retrouverons
qu'à la Trinité pour dîner.
Curieusement nous sommes maintenant au bon plein et le speedo
s'est callé sur 7.5 !
Un coup d'oeil au GPS ... 6.8 sur le fond !... C'est reparti !
En un quart d'heure le vent monte encore de 2 ou 3 noeuds, mais sur la mer plate
FACABEA avance vraiment bien. A ce train là nous serons à la Trinité
en à peine une heure. A mi-chemin, toujours un peu traumatisé
par le sujet "moteur", j'actionne le démarreur et ... il part.
Ouf !
Je décide de le laisser tourner. Et puis me souvenant qu'il n'est pas
très bon de faire tourner un moteur quand le bateau est gîté,
je calme un peu le jeu en roulant le génois. Et puis finalement je ne
suis plus pressé ...!?
Aux abords de l'entrée du chenal je m'écarte pour laisser passer
une régate d'une quinzaine de "Gros tout Kevlar" qui enquillent
l'entrée de la rivière au touche-touche pour aller passer leur
ligne d'arrivée dans l'avant port ... ils sont gonflés, mais c'est
souvent comme ça à "la Trine" !
Je touche le ponton à 18h30 et j'ai tout juste le temps d'amarrer le
bateau proprement que j'entends hurler "FA-CA-BE-A" depuis le fond
du port. Ce sont les copains Vieux Safs qui attendent eux aussi CHANI et qui
ont repéré le frégatage de mon bateau !... Ils sont à
l'apéro et je les rejoins pour attendre François qui n'arrivera
que 4 heures plus tard, tout juste à l'heure pour la soupe !
C'est en allant pointer à la Capitainerie que je tombe
sur Ivan et sa compagne (ASTROLABE).
Comme moi ils partent ce matin pour rentrer à Arzal et nous convenons
de naviguer de concert. Nous sommes contents de nous : Ce sera le vrai premier
"Premier rassemblement" de membres de l'association-first30.org !...
:o)
Nous avons une trentaine de milles à faire et la météo
est encore une fois très controversée.
- Celle de Météo Consult affichée à la capitainerie
annonce 5 à 6 Beaufort avec rafales ... pas top !
- Le bulletin côtier "... d'origine Météo France Brest"
parle de 4 à 5 Beaufort se renforçant en soirée ... mieux.
- Enfin, le bulletin côtier par téléphone de Météo
France parle d'un vent de Nord / Nordet de 8 à 11 noeuds ... bien ça
!?
Ivan est parti devant moi et, en sortant du port, je le vois à un bon quart de mille devant moi. Au bout d'un petit moment il oblique vers l'est, je le suis. Au port il me disait "Tu vas aller plus vite que moi ..." mais pas du tout. Au bon plein avec un peu plus de 15 noeuds de vent je suis un peu trop gourmand (réflexion "à posteriori"...) et je me fais régulièrement avoir par les bonnes claques de pression annoncées qui font lofer le bateau brutalement et qui m'obligent, soit à abattre, soit à choquer, soit les deux,... mais qui ont pour effet, si ce n'est de me faire perdre du terrain, au moins de m'empecher d'en gagner.
A cette allure débridée FanchMich ne veut pas
barrer et, un peu débordé car ne pouvant etre partout à
la fois, je sens que j'ai perdu. Au bout d'une demi-heure j'abats dans l'espoir
de me dégager de la côte et de toucher du vent clair ... il abat
aussi et le vent n'est pas plus clair. En désespoir de cause j'essaye
bien aussi de rouler un peu mon génois pour soulager le bateau et le
skipper,... mais Ivan a gréé son Foc N°1 tout neuf et ce n'est
pas ça qui fait la différence.
Je ne peux que suivre !...
Toujours devant nous, ASTROLABE s'obstine un peu plus en tentant
une option à terre ... mais quelques minutes plus tard, je le vois rouler
lui aussi son génois derrière moi et faire comme tout le monde.
Ah !... Quand meme !
Je pars tellement que je lâche aussi un beau Sun Rise 35 et que je vais
jouer à lofer un First 32S5 à mon vent qui n'arrive manifestement
pas à remonter aussi haut dans le vent que FACABEA. Hé, Hé,
Hé,...
Je remonte pratiquement à le toucher et puis j'abats de quelques degrés
sur 200 mètres avant de relofer pour passer au dessus de lui. Et hop.
Pas très bon joueur, celui qui était en fait un anglais ne me
rendra pas mon salut lorsque, passé sous mon vent, je lui adresse un
petit signe amical. Pas grave. Encore une fois mon plaisir est très solitaire
!... Je suis content de mon bateau mais un ou deux milles plus loin je n'en
peux plus. Un coup d'oeil vers l'estuaire de la Vilaine m'apprend qu'il va falloir
louvoyer dans la brise et je suis totalement cuit. Je préfère
affaler et attendre ASTROLABE pour faire quelques dernières photos avant
de prendre le petit trou de la Varlingue pour rejoindre l'écluse au moteur
tout en rangeant le bateau.
Nous nous sommes retrouvés au passage d'une écluse bien remplie
... comme toutes celles des fins de week-ends ensoleillés